Pour voyager en Inde sans trop se fatiguer, il est impératif d’apprendre à lâcher prise. Si le Sous-continent propose son lot de merveilles, il fera rager tout Occidental avide d’organisation. Oubliez votre petit confort, oubliez l’itinéraire que vous vous étiez fixé et surtout ne restez JAMAIS sur votre première impression. Vous passeriez à côté de l’Inde.
Cité du Temple d’or, la ville d’Amritsar est le plus haut lieu de pèlerinage de la religion sikh. Dans ses rues poussiéreuses, les klaxons m’irritent les tympans, comme les cris des vendeurs et des conducteurs de cyclo-pousses qui cherchent à me soutirer quelques roupies. L’odeur d’urine me colle aux narines. Trouver un hôtel. M’offrir un espace d’intimité. Sortir de ce bordel.
Je décide de défier ma première impression plutôt décevante à l’égard d’Amritsar et de découvrir son mythique Temple d’or.
Je couvre ma tête d’un foulard, je me déchausse, je nettoie mes pieds, puis je pénètre dans le gurdwara (temple sikh) le plus important au monde. Devant la splendeur des lieux, la quiétude s’empare de mon corps épuisé. Au coeur d’un bassin entouré de grandes allés de marbre, s’avance l’édifice sacré qui reflète sa dorure sous un soleil ardent. Des prières sur le rythme des percussions, des turbans multicolores, des pèlerins qui se prosternent devant leurs saintes écritures…de quoi me faire oublier le désordre qui règne à l’extérieur.
What’s your name ? Your country, miss? One photo, please!
Des Indiens oublient soudainement l’immense temple doré pour lequel ils ont souvent parcouru des centaines de kilomètres. Le centre d’intérêt est maintenant tourné vers une Occidentale à la chevelure blonde, en l’occurence moi. On se bouscule pour se faire photographier en ma compagnie. Clic. Clic. La foule se densifie. Je me retrouve à mon insu en plein coeur d’un portrait de famille. Clic. Clic. La fascination à mon égard est démesurée, voire démente.
One snap with you, please !
STOP!
Je me fraye un chemin à travers mes fans en délire. Direction : SORTIE !
Petite pause dans un dhaba (sorte de snack-bar à l’indienne). Jasmeet Singh, le proprio, m’accueille dans toute son austérité, coiffé d’un turban et d’une barbe fournie, éléments cultes de la religion sikh. Il rêve d’émigrer au Canada comme beaucoup d’autres de ses compatriotes qui composent la deuxième plus importante communauté étrangère.
Il me fait visiter sa cuisine, fait gonfler quelques chapatis (pains indiens) qu’il sert avec des haricots au curry et une préparation de fromage frais tomatée. Ses amis se joignent au repas et les discussions s’entremêlent. Le sujet du mariage attire particulièrement mon attention.
Ici, l’union d’un homme et d’une femme ne peut être prononcée que si les deux partenaires appartiennent à la même caste et que si leurs signes astrologiques concordent. L’importante section rencontre des journaux se divise d’ailleurs par classe sociale. Mais les jeunes hommes me confessent, sourire en coin, que si une Occidentale leur offrait son amour, un visa pour l’étranger pourrait faire flancher leurs principes…
La nuit tombe. Le chef Jasmeet fait griller, dans son four d’argile, un poulet tout aussi délectable que le moment. À Amritsar, je ne passe pas à côté de l’Inde. Au contraire, elle m’absorde encore davantage.