Ma vie à moi elle me parle d’aventures

Dans ma vie de fillette du sud-ouest de Montréal, le centre-ville était mon bout du monde et l’autobus 191, le véhicule magique pour y parvenir. Au début de l’adolescence, je fréquentais la rue Saint-Denis remplie du même sentiment grisant qui m’envahit aujourd’hui lorsque je voyage dans des contrées beaucoup plus lointaines. Un peu plus tard, j’attrapais la piqûre. La vraie.

C’était vers l’âge de 14 ans. J’atterrissais à Paris avec un groupe scolaire. Nous nous rendions au sud de la France, dans la ville de Nîmes, pour séjourner chez des familles de la région. Si certains élèves se sentaient bousculés par les petits chocs culturels que leur provoquaient cette immersion, je découvrais à quel point je m’adaptais rapidement. J’avais envie de tout goûter, tout voir. Je savourais des fromages, rencontrais des gens, remplissais mes yeux d’images de ruines romaines et de paysages bucoliques aux odeurs de provence.

Je suis revenue au Québec avec un sac bien rempli de sachets de lavande et de crottins de chèvre, décidée à voyager pour toujours. À en faire la ligne directrice de ma vie.

Plus de 20 ans ont passé. J’y suis, dans cette vie qui me permet de décoller régulièrement. Je réalise des documentaires sur des pays que je visite et que je présente ensuite dans la francophonie. Je prends le pari de vivre ma vie à mon image, guidée par un instinct, généralement assez bien aiguisé. Cette existence n’est pas toujours simple et demande beaucoup de compromis, mais elle n’est pas ordinaire et je l’aime ainsi.

Ce matin se terminait un autre contrat en Europe. Loin d’être glamour, mes séjours sont souvent chargés d’attente, de longs déplacements en voiture et de solitude qui m’obligent à me confronter à moi-même. Heureusement, le tout est ponctué par des instants magiques comme ceux de naviguer de ville en ville, énergisée par les échanges humains. J’ai constamment le sentiment d’être bien vivante. Je prends la peine de noter mes moments doux presque chaque soir, même quand la fatigue me terrasse.

J’ai eu envie d’en partager quelques-uns ici. Juste pour le plaisir.

26 novembre 2017

Une dame guatémaltèque m’a prise dans ses bras après la projection de mon film. Elle a pleuré longuement, en me remerciant de m’être intéressée à son pays. Un pays qu’elle adore, mais qu’elle a laissé derrière parce qu’elle souhaitait améliorer son sort. J’ai versé une larme à mon tour, parce que j’aime profondément son peuple et que je souhaite qu’on s’y intéresse davantage. Nous allons garder contact.

30 novembre 2017

Hier soir, j’ai dormi chez une généreuse inconnue, car une tempête de neige m’a obligée à ne pas prendre la route. Le soir, nous nous sommes résumés nos vies autour d’une tisane. Le lendemain, nous avons déjeuné ensemble comme deux vieilles copines. Je l’ai accompagnée ensuite chez l’ostéopathe et nous nous sommes quittées toutes souriantes, grisées par l’aspect fortuit de notre belle rencontre. Je ne connais que son prénom et ne la reverrai sûrement jamais.

2 décembre 2017

Je me suis retrouvée dans une dégustation de vin devant le Lac Léman en Suisse avec quelques quidams un peu saouls qui m’ont raconté leur safari au Kenya ou leur randonnée dans les Anapurnas. Je leur ai balancé quelques anecdotes sur la température au Québec. Nous avons ri candidement. Au moment de me mettre au lit, j’étais ivre de vin et de vie.

9 décembre 2017

J’ai marché pendant des heures dans la ville de Chartres où je loge pour deux semaines. Après m’être fait longuement silencieuse dans la puissante cathédrale de la ville, je me suis arrêtée à la bibliothèque, mon temple à moi. J’ai attrapé un livre d’un philosophe que j’avais entendu à la radio la veille. J’ai lu jusqu’à m’épuiser, puis je suis allée boire un vin chaud dans un marché de Noël. Je me suis dit que cette journée était précieuse.

10 décembre 2017

J’ai partagé un repas avec mes hôtes en France. Du Champagne en apéro à la banane flambée en dessert, nous avons échangé des histoires et des opinions, puis défait des préjugés. Avant de dormir, je me suis dit, tel un cliché, que, si nous nous mettions plus souvent à table ensemble, le monde tournerait certainement plus rondement.

12 décembre 2017

À la fin d’une représentation, une dame en chaise roulante m’a tendu la main. Elle était si douce que je ne l’ai pas lâchée. Je lui ai demandé son âge. Elle a soufflé un 90 ans du bout des lèvres. Ses yeux mouillés ont accroché les miens, j’ai eu l’impression que je lui rappelais ce qu’elle avait peut-être été et ce qu’elle était sûrement encore derrière ce corps sclérosé par la vieillesse. Cette rencontre a été la plus émouvante que j’ai vécue dans les derniers mois et, pourtant, très peu de mots ont été échangés.

Je note pour me rappeler que l’aventure humaine est quelque chose de bien euphorisant, même si l’on aime bien la critiquer. Je note aussi pour me remémorer que la rencontre devrait être au cœur de notre quotidien, même quand on ne voyage pas. Avec les autres. Avec soi aussi. C’est une aventure qui ne s’essouffle pas.

Bientôt, je célébrerai Noël avec ma famille et mes amis. Un voyage qui se termine pour en commencer un autre près de ceux que j’aime. Tout aussi enivrant, tout aussi magique. Un immense pays, le mien. Celui qui m’habite.

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Un commentaire Ajoutez le vôtre

  1. Denis Brunette dit :

    Très beau texte Julie. J’aime te suivre sur »Facebook, tu as un merveilleux cheminement, continue ton périple.

    J’aime

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